Une société, dont l'objet social est la conservation d'ADN, a licencié son chef de projet pour motif économique.
Aux termes du contrat de travail de cet employé, une clause de non-concurrence était rédigée en ces termes :
Compte tenu de la nature de ses fonctions exposées à l'article 2 du présent contrat et des informations confidentielles ou de haute technicité dont il dispose et du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise, le salarié s'engage, en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, postérieurement à la période d'essai ou y compris pendant la période d'essai : à ne pas entrer au service d'une société concurrente à la société, à ne pas s'intéresser directement ou indirectement à toute fabrication, tout commerce ou autre activité pouvant concurrencer l'activité de la société.Cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée de deux ans. Compte tenu de l'activité de la société et de la diversité de son implantation,l'interdiction s'applique à l'ensemble du territoire français. En contrepartie de son obligation de non concurrence, le salarié percevait, après son départ effectif de la société, 20 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par lui (hors primes de toute nature et éléments variables) au cours des 12 derniers mois de présence dans la société.
Par courrier, la société a même précisé les contours suite à la demande de l'intimé, en indiquant que le champ d'application de la clause de non-concurrence comprenait toutes activités pour la conservation d'échantillons biologiques et plus particulièrement pour la conservation des acides nucléiques ainsi que toutes activités pour l'obtention et la préparation des acides nucléiques (extractions et purifications d'acides nucléiques, contrôles qualité d'acides nucléiques).
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes invoquant que la clause de non concurrence qui lui était imposée constituait une entrave excessive à la liberté du travail en l'empêchant de poursuivre une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle. Il a précisé que l'activité principale de la société qui fait sa spécificité, est la conservation de l'ADN à température ambiante selon un procédé qui a fait l'objet d'un brevet mondial et qu'elle ne
justifie d'aucune expertise en matière d'extraction d'ADN.
Les juges relèvent que l'activité principale de la société est la conservation de l'ADN à température ambiante grâce à un procédé d'encapsulation et d'aliquotage des échantillons ; qu'en complément de cette activité qui est sa caractéristique première, la société offre à ses clients la possibilité d'extraire et de purifier les échantillons d'ADN " à partir de nombreux types de matériels biologiques et éprouvés".
Par conséquent, il a été jugé que si la préservation de son activité essentielle, à savoir la conservation de l'ADN à température ambiante, et pour laquelle elle se trouve en pointe sur le marché mondial, apparaît parfaitement légitime, force est de constater, en revanche, que l'extension de cette clause à l'extraction, la purification et au contrôle qualité de l'ADN ne saurait trouver aucune justification, ces opérations étant communément effectuées par toute unité analysant ces ADN, ne relevant d'aucun procédé spécifique protégé et s'opérant généralement à l'aide de "kits" à la disposition de tout utilisateur. Considérant par ailleurs, que le domaine principal de compétence de l'employé est le génotypage et que ce secteur d'activité ne peut exclure l'extraction, la purification et le contrôle qualité de l'ADN; que dans ces conditions, interdire à l'intimé d'effectuer ces opérations est de nature à lui interdire tout travail au sein de son domaine de compétence.
Ainsi, la clause de non concurrence, telle que prévue dans le contrat de travail et telle que précisée par la société, ne peut trouver application en sa totalité, dès lors qu'elle entraîne une atteinte à la liberté du travail du salarié et donc un trouble manifestement illicite.
Les juges ont alors limité la clause de non-concurrence à toutes les activités de l'entreprise relatives à la conservation d'échantillons biologiques et à la conservation des acides nucléiques (CA Paris, Pôle 6 ch.2, 17 février 2011, n°10/06069).